L’amitié (le génie du Christianisme)

« Un de nos plus doux sentiment, et peut-être le seul qui appartienne absolument à l’âme (les autres ont qq mélange de sens dans leur nature ou dans leur but), c’est l’amitié.
Et combien le christianisme n’a -t-il point augmenté encore les charmes de cette passion céleste et lui donnant pour fondement la charité.
Le christianisme qui a révélé notre double nature et montré les contradictions de notre être, qui a fait voir le haut et le bas de notre coeur, qui lui-même est plein de contrastes comme nous, puisqu’il nous présente un homme-Dieu, un enfant maitre des mondes, le créateur de l’univers sortant du sein d’une créature, le christianisme vu sous ce jour des contrastes est encore, par excellence, la religion de l’amitié.
Ce sentiment se fortifie autant par les oppositions que par les ressemblances. Pour que deux êtres soient de parfaits amis, ils doivent s’attirer et se repousser sans cesse par qq endroit. Il faut qu’ils aient des génies d’une même force, mais d’une différente espèce ; des opinions opposées, des principes semblables ; des haines et des amours diverses, mais au fond la même sensibilité ; des humeurs tranchantes et pourtant des gouts pareils. En un mot, de grands contrastes de caractères et de grandes harmonies de coeur.

Cette chaleur que la charité répand dans les passions vertueuses leur donne un caractères divin.
Chez les hommes de l’antiquité, l’avenir des sentiments ne passaient pas par le tombeau…. le polythéisme avait établi l’homme dans les régions du passé, le christianisme l’a placé dans les champs de l’Espérance !

La jouissance des sentiments honnêtes sur la terre n’est que l’avant-gout des délices dont nous serons comblés !
Le principe de nos amitiés n’est point de ce monde : deux êtres qui s’aiment ici-bas, sont seulement sur la route du Ciel où ils arriveront ensemble si la vertu les dirige, de manière que cette forte expression des poètes « d’exhaler son âme dans celle de son ami » est littéralement vraie pour deux chrétiens.
En se dépouillant de leur corps, ils ne font que se dégager d’un obstacle qui s’opposait à leur union intime, et leurs âmes vont se confondre dans le sein de l’Eternel »…

(Chateaubriand, le génie du christianisme)

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